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Bombardements massifs et assaut terrestre. Que la barbarie à Alep ne devienne pas une banalité

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Depuis six jours, la ville d’Alep connaît le pire bombardement depuis le début de la guerre. L’échec du fragile cessez-le-feu, auquel étaient parvenus la Russie et les États-Unis à la mi-septembre, a marqué la reprise de l’offensive d’Assad et son allié russe sur cette ville stratégique. Plus d’eau, ni d’électricité, des hôpitaux et des infrastructures détruits. Des bombes incendiaires, des attaques chimiques, des bombes anti-bunker, lancées contre la population civile. Les morts et les blessés se comptent par centaines. Jusqu’où ira cette barbarie attisée et alimentée par toutes les forces en lutte en Syrie, à l’exception de la résistance kurde ?

Philippe Alcoy

Alors que le régime d’Assad semble décidé à essayer de reprendre une fois pour toutes la partie Est d’Alep des mains des forces « rebelles », les dirigeants impérialistes lancent, depuis la tribune de l’ONU, des accusations cyniques contre les crimes du gouvernement syrien et ses alliés. La Russie « soutient la barbarie », ont dénoncé les représentants des États-Unis à l’ONU. Les discussions avec la Russie « risquent d’être rompues » si celle-ci continue de bombarder Alep, a renchéri John Kerry, le secrétaire d’État nord-américain. « Inadmissible », a tout de suite réagi le gouvernement russe.

En attendant, la population civile en paye le prix. On estime qu’en cinq jours, près de 250 personnes ont perdu la vie, pour la plupart des civils, dont près de la moitié était des enfants. Sans oublier les centaines des blessés.Et ces chiffres ne sont qu’une estimation, la réalité étant probablement bien pire. Les secours n’ont même pas le temps de venir en aide aux victimes d’un bombardement, qu’un autre commence. Dans la ville, les cratères laissés par les bombes sont partout.

Pour une population d’environ 250000 à 300000 personnes, on estime que dans la zone Est de la ville il n’y a que 30 médecins. Les médicaments se font de plus en plus rares. Le manque de personnel et de matériel adéquat amène les médecins à amputer directement les blessés. Les malades sont allongés à même le sol. Des hôpitaux sont bombardés. 85000 enfants sont victimes du siège d’Alep.

L’électricité a été coupée, les générateurs devenant ainsi le seul moyen d’en obtenir. Or, le fuel est en train de s’épuiser. L’eau potable commence à manquer également et il en va de même pour certains aliments. Une grande partie de la population mange à peine une fois par jour, si ce n’est moins. La plupart des gens vivent avec moins d’un dollar par jour. « Une fois que les bombardements s’arrêtent, les gens se précipitent [dans les rues], certains en courant [pour se procurer des vivres] (…) Du pain, tout ce qui puisse être utile pour la maison, tout ce que l’on puisse acheter, tout ce que tu puisses trouver », raconte un habitant au Financial Times.

La ville d’Alep est devenue la capitale syrienne et mondiale de la barbarie, le régime d’Assad ayant recours à des méthodes ignobles contre la population civile pour atteindre ses objectifs de guerre réactionnaire. Évidemment, il n’est pas le seul. Aussi bien le gouvernement que les « rebelles » ont assiégé Alep. Et aussi bien la Russie que les gouvernements impérialistes occidentaux et leurs alliés sont complices de crimes de guerre et contre l’humanité, voire responsables directs.

Le régime d’Assad lance un assaut terrestre contre Alep

La ville d’Alep est stratégique. Elle était, au moins avant la guerre, le cœur économique du pays. Divisée au cours du conflit, la partie Est est devenue un bastion de l’opposition. Pour le régime d’Assad, la reprise de cette ville pourrait signifier une victoire très importante. En effet, Alep représente la dernière grande ville syrienne n’étant pas contrôlée par le régime.

Pour les « rebelles », perdre Alep signifierait perdre le dernier bastion présent dans l’une des villes les plus importantes de Syrie.

C’est dans ce contexte de bombardements incessants, que l’armée loyaliste a lancé par la suite une attaque terrestre sur la ville pour reprendre la partie Est des mains des opposants. Cependant, rien ne peut affirmer que cela sera une tâche facile. Certes, les rebelles sont affaiblis militairement mais l’armée d’Assad n’a jamais fait preuve de grande efficacité en ce qui concerne la reprise de territoire, même avec l’aide de la Russie.

Une autre question à prendre en compte est que, même dans le cas où l’armée loyaliste arrive à chasser les rebelles, on ne sait comment cette dernière gérera sa relation avec la population locale. Assad a déjà utilisé à Madaya la tactique d’affamer la population jusqu’à la reddition pour ensuite expulser et repeupler le territoire avec une population « fidèle » au pouvoir. Or, Alep n’est pas Madaya. Lors de la conquête finale par Assad de cette dernière, il n’y restait que 8000 habitants sur les 200000 habitants y vivant avant la guerre. A Alep, rien que le secteur Est compte, quant à lui, entre 2500000 et 300000 habitants. De plus, après les bombardements criminels, on voit mal comment Assad pourrait prétendre à une quelconque légitimité populaire et même soumettre par la force un tel nombre de personnes. Et se « débarrasser » de 3000000 individus est inimaginable, à moins de procéder à un génocide dont un pouvoir aussi faible que celui d’Assad est incapable, malgré son caractère profondément réactionnaire.

Assad ne veut pas finir comme Miloševic

Aussi bien les Américains que les Russes ont intérêt, tôt ou tard, à trouver un accord pour mettre fin à cette guerre. Un accord qui leur soit favorable, évidemment. Si possible, favorable à l’un au détriment de l’autre. Pour la Russie, la survie politique d’Assad n’a jamais été un objectif stratégique en Syrie. Son intervention dans le conflit a toujours cherché à envoyer des messages sur d’autres aspects. Un message tout d’abord aux puissances impérialistes, à commencer par les États-Unis, en leur démontrant que la Russie reste une puissance militaire. Mais aussi pour trouver une solution favorable à la crise ukrainienne, vis-à-vis de l’UE, pour que celle-ci assouplisse les sanctions économiques qui pèsent sur le pays.

Poutine est parvenu à devenir un acteur central dans la crise syrienne et a même réussi à arracher certaines concessions à ses rivaux. Alors que durant une certaine période, le départ d’Assad était présenté comme un préalable à toute négociation, Poutine est arrivé à faire accepter qu’Assad devait faire partie du processus de négociation et de transition en Syrie dans le cadre d’un éventuel accord diplomatique.

Cependant, le départ d’Assad, d’une façon ou d’une autre, reste une exigence des occidentaux et leurs alliés. Or, pour le clan Assad cela veut dire que tôt ou tard ils pourraient être jugés par des cours internationales. Et Assad ne veut pas finir comme le dirigeant serbe Slobodan Miloševic, mort dans une prison à La Haye, accusé de crimes contre l’humanité commis pendant les guerres en Yougoslavie dans les années 1990. Il essaye donc de devenir, lui aussi, une pièce centrale dans tout « accord de paix » ou processus de stabilisation concernant le pays et la région.

Il est évident qu’Assad ne pourra plus jamais gouverner le pays de la même manière qu’il le faisait avant la guerre. Ainsi, il est fort probable qu’il y ait une fragmentation du pays, sans écarter la possibilité d’une tentative de donner une forme « fédérative » à un éventuel nouvel État syrien, dont les contours seraient négociés par les puissances internationales, notamment la Russie et les États-Unis.

C’est dans ce possible schéma que la bataille pour Alep devient stratégique aussi bien pour Assad que pour les groupes rebelles. Avec Damas, Homs, Hama, Lattaquié, Tartous et Alep entre les mains du régime, le rapport de force serait trop favorable à Assad et il serait plus difficile alors pour les puissances étrangères et les acteurs locaux de ne pas tenir compte de ses exigences.

Solidarité internationale

La guerre en Syrie est l’un des paradigmes de l’extrême barbarie de notre temps. Au départ, une révolte populaire contre le pouvoir du clan Assad, qui a été ensuite confisquée et transformée en guerre civile dont tous les acteurs, excepté la résistance kurde, sont réactionnaires.

Aux plus de 400000 morts depuis 2011, s’additionnent des millions de déplacés internes et des réfugiés dans d’autres pays, notamment les États voisins (Jordanie, Liban et Turquie). Les partis xénophobes et racistes en Europe se renforcent en s’attaquant aux centaines de milliers de réfugiés qui arrivent sur le continent, fuyant la guerre et la misère. Mais ce sont les partis traditionnels les principaux responsables des souffrances des réfugiés en Europe.

Alors que les capitalistes, à travers la stigmatisation et la « criminalisation de la survie », essayent de diviser les exploités et opprimés, les montant les uns contre les autres, il est nécessaire de développer la solidarité de la classe ouvrière et des classes populaires en Europe. Les horreurs de la guerre en Syrie ne doivent pas se « banaliser ». Les masses, notamment en Europe, ne doivent pas rester indifférentes ou s’habituer à l’horreur. Il serait temps de lancer une campagne internationale contre l’intervention des impérialistes en Syrie, dont celle des États-Unis mais aussi celle de la France, contre l’ingérence de la Russie et des puissances régionales comme les monarchies du Golfe, la Turquie et l’Iran, contre le régime d’Assad et également contre les forces islamistes réactionnaires telles que Daesh. Une campagne de classes, indépendante de toutes les forces capitalistes.

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Mis à jour le dimanche 24 mars 2024