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Reprise d’Alep-Est : les massacres rebattent les cartes des négociations

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La ville d’Alep est sur le point de tomber entièrement aux mains des forces armées du régime de Bachar El-Assad. Les forces loyalistes, appuyées par des combattants iraniens et des forces du Hezbollah libanais contrôlaient, jeudi dernier, 85% des quartiers rebelles d’Alep-Est, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH). Dans cette « phase finale » du conflit, selon les mots du général loyaliste Zaïd al Saleh, ce sont, une fois de plus les civils qui font l’objet des représailles, qui fuient ou sont massacrés par les forces loyalistes.

Nina kirmizi

Des civils massacrés

L’ONU a recensé au moins 82 civils tués par les forces du régime lors des dernières 48 heures, dont des femmes et des enfants, et plus de 10 000 civils supplémentaires qui ont fui la zone rebelle pour rejoindre les secteurs gouvernementaux. Des témoignages publiés sur les réseaux sociaux par des habitants des quartiers Est de la ville racontent la peur de mourir, l’impression de vivre les dernières heures. Sur France Inter, Raphaël Pitti, médecin de retour d’une mission en Syrie évoque des carnages : « ils [les forces loyalistes] ont brulé des familles dans leurs maisons, ils ont exécuté de manière sommaire une trentaine d’enfants près d’un cimetière. Ils tuent tout ce qui bouge ». Sur sa page Facebook, il rapporte également l’utilisation d’arme chimique ayant causé la mort de près de 100 civils à l’Est du quartier d’Hama et l’exécution du personnel et des malades présents dans l’hôpital Al Hama.

Intervenant trois mois après la tentative de trêve conclue entre les Etats-Unis et la Russie en septembre dernier, à laquelle avait succédé une offensive des forces rebelles en vue de dégager le siège dont étaient victimes les quartiers Est de la ville, la ville subit depuis la fin du mois de novembre une offensive brutale. Les civils, dont on soupçonne d’avoir été empêchés de quitter les quartiers par les forces rebelles afin de les utiliser comme boucliers humains, se retrouvent pris au piège. Beaucoup publient les témoignages de leurs dernières heures sur les réseaux sociaux, à l’instar de cette vidéo de ce professeur publiée sur Périscope.

Convocation d’une réunion du Conseil de Sécurité par la France

L’ONU a dénoncé les atrocités commises à Alep et à appeler à évacuer les civils. De son côté, le président français, François Hollande, a exprimé son « sentiment de révolte » ce lundi 12 décembre au sujet de la situation dramatique a Alep. Invité à l’Elysée par le président, Riad Hijab, le représentant de l’opposition syrienne, s’est également exprimé lors de cette conférence de presse. En s’affichant aux côtés de cet ancien cacique du parti Baasiste et ex-premier ministre de Bachar el Assad ayant fui le régime à l’été 2012, le président français a fait la démonstration du soutien apporté aux forces rebelles en Syrie, qui se composent à Alep, de la coalition Jaïch al-Fatah comprenant des islamistes de l’ancien Front Al-Nosra et des brigades salafistes. Pas plus fréquentables que les autorités saoudiennes avec lesquelles Riad Hijab entretient des relations étroites et veille à la défense des intérêts sur le terrain syrien.

Bernard Cazeneuve, nouveau premier ministre, a dénoncé ce mardi, à l’Assemblée Nationale des « massacres » et des actes pouvant constituer « des crimes de guerre » commis par le régime syrien « à l’aide de la Russie ». La France a appelé ce mardi soir à une réunion d’urgence du Conseil de Sécurité de l’ONU. La position française face à la Russie se fait de plus en plus hostile tandis que, de leurs côtés, les Etats-Unis ont de nouveau tenté de négocier une sortie de crise et un cessez-le-feu avec Moscou ce lundi. Moscou a confirmé ce mardi un accord autorisant l’évacuation des combattants rebelles d’Alep Est.

Dans le contexte des massacres, réels et ignobles, commis à Alep, la France utilise l’émotion suscitée par ces massacres pour se repositionner dans le conflit syrien : la convocation du Conseil de Sécurité est une manière de s’insérer dans les négociations sur la Syrie, de dépasser le cadre bilatéral Etats-Unis Russie, pour rebattre les cadres alors que sur le terrain la situation générée par la reprise d’Alep de la part des forces d’Assad change la donne.

En effet, pour l’ancien diplomate nord-américain, Peter Galbraith, la guerre civile syrienne est déjà finie et la question qui se pose maintenant est celle de mettre fin aux combats et d’arriver à un compromis viable. Et pour lui il n’y a aucun doute que le vainqueur soit Assad et donc Poutine et l’Iran. Quant aux intérêts de l’impérialisme nord-américains, Galbraith estime que « les Etats-Unis ont intérêt en un résultat qui permette au plus grand nombre possible de syriens de revenir, qui garantisse la défaite totale de Daesh et d’autres groupes extrémistes, et qui protège les kurdes de Syrie, qui ont été les principaux alliés américains contre l’Etat Islamique. Atteindre ces objectifs demandera une étroite collaboration avec la Russie ».

La victoire de Trump promettait déjà un rapprochement entre les Etats Unis et la Russie. Cette presque certaine victoire des forces armées d’Assad ne fera que renforcer cette tendance. C’est une victoire énorme pour la Russie et l’Iran. En ce sens, les tentatives de Hollande, en pleine fin de règne, de maintenir en « vie politique » l’opposition « modérée », traduit un certain ridicule et une probable humiliation supplémentaire pour la France dans le scénario syrien.

Cependant, la victoire de l’armée gouvernementale, et même un accord entre les puissances mondiales, ne signifient aucunement la fin des combats. Daesh, même si en recul, n’est pas encore complètement vaincu. Le surgissement d’autres groupes résistants n’est pas à exclure. Et, plus problématique, rien ne garantit, une fois l’opposition « modérée » vaincue, qu’Assad va se soumettre à la volonté de la Russie et des Etats Unis si ceux-ci arrivent à un accord au détriment du gouvernement syrien. La tentation d’essayer de re-centraliser la Syrie sous la domination d’Assad, même si cela semble presque impossible, restera un élément clé dans la situation. Plus encore, avec la fin des combats (contre l’opposition pro-occidentale) le pouvoir de persuasion de la Russie sur Assad pourrait diminuer.

La situation en Syrie comme on voit est catastrophique pour les classes populaires. Une victoire d’Assad, comme cela se profile, va renforcer des forces réactionnaires locales liées au pouvoir de Damas. L’alternative d’une victoire des forces d’opposition ne ferait que renforcer les puissances impérialistes qui les soutiennent ainsi que des régimes régionaux non moins réactionnaires qu’Assad comme l’Arabie Saoudite. Et l’existence et maintien de Daesh ne fait qu’ajouter une nouvelle menace réactionnaire dans la situation. Les travailleurs et les masses syriennes auront besoin d’un soutien internationaliste et de classe, massif, comme il ne s’est jamais vraiment manifesté au cours de ces presque six ans de guerre civile.

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Mis à jour le samedi 13 avril 2024