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Loi travail 2 : le « dialogue social » de sourd, la méthode Macron pour endormir les syndicats

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Ce mardi 23 mai, c’est le président en personne qui recevait à l’Elysée les partenaires sociaux -la CFDT, FO, la CGT et le Medef pour l’heure – pour discuter du premier chantier du gouvernement : la loi travail version 2. À la sortie de ces rencontres, alors que le gouvernement vient de confirmer qu’il ne comptait rien changer du calendrier prévu pour l’été, c’est surtout les apparences d’un dialogue social qu’il souhaite ménager. Michel Eurler/ pool / AFP

Opération déminage. Voilà comment il faudrait qualifier la série de rencontres organisées à l’Elysée ce mardi et qui devraient se poursuivre ce mercredi et lundi prochain dans les bureaux du premier ministre Edouard Philippe et de la ministre du travail Muriel Pénicaud, tous deux en charge pour le gouvernement de mener à bien ce dossier brûlant de l’été.

Un dialogue de sourd

Du côté syndical, on attendait surtout de ces rencontres – pour FO et de la CGT- une modification du calendrier d’une réforme prévue pour passer dès cet été par ordonnance. Mais aussi, à commencer par la CFDT, le gage que les confédérations syndicales soient consultées sur le contenu de la loi. Deux conditions qui sont loin d’avoir été entendues.

Et pour le coup, la réponse du gouvernement est loin d’avoir été claire. Du moins dans la bouche des syndicats. « Le calendrier a l’air d’avoir bougé » a déclaré Philippe Martinez (CGT) à la sortie d’un entretien avec le chef de l’État qu’il a jugé comme étant « plutôt une bonne chose ». Un peu près le même son de cloche du côté de Jean-Claude Mailly, leader de Force Ouvrière (FO) : « j’espère que ça se détende un peu (sur le calendrier) mais ce n’est pas encore sûr » ; « j’ai senti qu’a priori, il y a des marges de manœuvres. À confirmer dans les jours à venir » a t-il poursuivi. Laurent Berger, chef de la CFDT, a quant à lui déclaré avoir été entendu par un chef de l’État « à l’écoute ». Rien de très concret à l’horizon. Quelques vagues impressions, pas mal d’espoir et la volonté de temporiser et d’attendre de voir « ce que ça donne ». Voilà ce qui ressort du côté syndical.

Pourtant, côté gouvernement – à savoir s’il s’agit d’un « couac » dans la communication de l’Elysée ou bien d’une volonté bien mesurée de ne pas perdre son potentiel électorat de droite qui verrait dans les déclarations de Martinez une première « reculade » - rien ne semble avoir bougé. Contredisant le leader de la CGT, l’Elysée a déclaré quelques heures plus tard que les discussions menées avec les syndicats et le président ne concernaient pas la loi travail, dont le calendrier sera bien maintenu, mais l’assurance- chômage et les retraites. Par ailleurs, le président Macron a laissé clairement entendre sa volonté de maintenir le passage de la loi travail 2 par ordonnance avant la rentrée.

À en croire ces premières entrevues, le gouvernement ne semble prêt à aucune concession. Alors pourquoi convoquer les syndicats ?

Ménager sa gauche en vue des législatives

Au vue de ce qui est ressorti de cette première série d’entrevues, le gouvernement cherche à ménager sa gauche, en donnant à son nouveau gouvernement des allures de continuité avec l’ancien. Il fait ainsi mine de conserver la « méthode Hollande » du dialogue social – quoique bien entamées par l’usage du 49.3 pour faire passer aux forceps la loi travail en fin de quinquennat- qui ont valu à l’ancien président et ses gouvernements successifs près de quatre ans de relative tranquillité alors même que passaient successivement les contre-réformes de l’ANI, la loi Macron, et la loi Rebsamen.
Et c’est surtout à la CFDT – dans une moindre mesure à Force Ouvrière -que le gouvernement souhaite donner des gages. Obtenir une caution de dialogue social avec une CFDT qui aurait alors les gages suffisants pour temporiser vis-à-vis de sa base et pour accompagner pleinement la contre- réforme.

En vue des législatives, l’opération s’avère délicate. Il ne faut ni braquer à gauche – en évitant d’apparaître comme un nouveau Sarkozy qui avait mis totalement de côté la « démocratie sociale »-, ni à droite, en paraissant faire des concessions sur le programme de réforme express. D’où le recadrage gouvernemental après les déclarations de Martinez cet après-midi. L’idée est de ménager les électeurs de droite comme de gauche pour s’assurer les chances de remplir au maximum les rangs du groupe Les Républicains en Marche à l’Assemblée avant les législatives. Pour avoir les mains libres ensuite.

« Il faut empêcher tout blocage » Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement

Deuxième raison à cette mascarade, et pas des moindres, c’est bien sûr la volonté de désamorcer toute possibilité de contestation sociale en jouant sur les divisions et sur la montre. Les discussions entre les partenaires sociaux et le gouvernement devraient s’échelonner jusqu’à la semaine prochaine. Et c’est autant de temps gagné sur la préparation possible d’une contestation de la part des syndicats.

En laissant entrevoir auprès des syndicats la possibilité d’un recul du calendrier par la négociation, le gouvernement cherche à temporiser la CGT et FO, les confédérations syndicales qui étaient hostiles à la loi Travail l’année dernière, et dont la base était très mobilisée. Les directions syndicales, peuvent ainsi faire valoir auprès de leur base, les « vertus » d’une tentative de passage par la négociation, en appuyant sur la volonté de « dialogue » du gouvernement, et sur la nécessité de repousser le calendrier pour mieux préparer la contestation.

Et si cela n’est pas possible, si la CGT décide de lancer l’offensive avant l’été faire obstacle à la constitution du front syndical CGT- FO qui avait valu au printemps dernier. En effet, Force Ouvrière, par la voix de Jean-Claude Mailly s’est dit déjà ce lundi prêt « à laisser une chance au gouvernement » et a fait un – grand - pas vers le gouvernement en déclarant ne pas être nécessairement hostile au passage d’une loi par ordonnance.

« Il faut empêcher tout blocage » a fait savoir sur France 2, ce mardi 23 mai, Christophe Castaner, le nouveau porte-parole du gouvernement. Et y compris le simulacre d’un dialogue social, sans concession aucune, est bon pour la manœuvre. Les confédérations syndicales ne doivent pas être dupes des fausses promesses d’un gouvernement qui a déjà annoncé les couleurs d’un projet d’approfondissement de la casse en règle du code du travail. Pour combattre conséquemment les contre- réformes de l’été, c’est dès maintenant qu’il faut construire l’opposition, dans les entreprises, dans les services publics et construire un rapport de force à même de le faire reculer.

D’autant plus avec un gouvernement dont la légitimité, même s’il est à peine élu, est l’une des plus faibles de toute l’histoire de la Ve République. Ce que Castaner oublie de préciser quand il déclare « on a pas le droit de bloquer la France quand on est pas d’accord avec telle ou telle mesure, surtout quand elle était au cœur du projet présidentiel », c’est que le projet d’Emmanuel Macron n’a convaincu que 26 % des votants (et bien moins si on rapporte le nombre de voix au total des inscrits), que ce n’est pas la loi travail taille XXL qui l’a fait élire, mais bien l’épouvantail du Front National. C’est bien pour ça que le nouveau gouvernement tente de déminer autant que possible le dossier brûlant de la casse du code du travail qu’il prévoit de mettre en place dès cet été.

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Mis à jour le dimanche 24 mars 2024