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« Il est urgent qu’une mobilisation la plus large possible se fasse pour la défense de l’accès aux soins et pour notre système de protection sociale. »

Crédit Photo : DR

Entretien. Hélène Derrien est présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité. Nous revenons avec elle sur l’évolution du système de santé en France, et sur le rôle des mobilisations associant personnels et usagerEs.

Peux-tu nous présenter la Coordination nationale ? Quels sont ses axes de bataille ?

La Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité est une association née en 2004 suite à la lutte pour le maintien de l’hôpital de Saint-Affrique. Elle regroupe une centaine de comités adhérents sur toute la France.

Depuis 2008, la CN est agréée auprès du ministère en tant qu’association d’usagers de la santé, ce qui permet à nos comités de présenter des candidats dans les instances (ARS et hôpitaux).

L’axe central de nos revendications est la défense de l’accès aux soins pour toutes et tous partout. Cela va donc au-delà de la simple défense d’un établissement ou d’un service ; nous intervenons sur les problèmes de démographie médicale, tant en ville qu’à l’hôpital ; nous défendons le 100 % Sécurité sociale pour la santé, englobant la prévention, le soin, l’éducation thérapeutique et la perte d’autonomie.

Nous avons, bien entendu combattu la tarification à l’activité (T2A) qui a contribué à plomber les budgets de la majorité des hôpitaux, la loi Bachelot (HPST), notamment la mise en place des ARS et la nouvelle gouvernance dans les hôpitaux, la loi Touraine (dite de modernisation de notre système de santé), notamment la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui, entre autres, vont mettre un terme à la proximité. Nous nous opposons aux dépassements d’honoraires et sommes contre l’activité libérale à l’hôpital.

Enfin, nous réclamons une véritable démocratie sanitaire avec de véritables pouvoirs de décision à tous les niveaux en créant des structures regroupant professionnels de santé, élus et citoyens.

Nous réunissons nos comités 2 fois par an, lors de rencontres où nous travaillons sur un thème lié à la santé et à l’accès aux soins : en juin à Concarneau nous avons travaillé sur l’accès aux soins des personnes en perte d’autonomie et en novembre à Mayenne sur la psychiatrie.

Nous éditons un bulletin hebdomadaire, écho des informations de nos comités et des luttes dans les établissements de santé.

Nos informations et celles de nos comités peuvent être consultées sur notre site : http://www.coordination-nationale.org.

Quelle est la situation des comités et que représentent-ils sur le territoire ?

Comme indiqué précédemment, la CN compte une centaine de comités adhérents et est en relation avec environ 400 contacts.

Beaucoup de comités sont engagés dans des batailles pour la défense d’un établissement ou d’un service (Decazeville, Die, Remiremont, Paimpol, Juvisy, Créteil, Saint-Claude, Moutiers…), d’autres ont des interventions plus larges sur la santé : éducation populaire, rencontres avec la population, projets de centres de santé…

Avec la mise en place des GHT et les problèmes de démographie médicale, nous avons enregistré une dizaine de nouveaux comités ces deux dernières années.

Les comités sont le plus souvent constitués en associations, mais certains sont aussi des collectifs regroupant associations, syndicats, partis politiques et citoyens.

La règle qui prévaut, afin d’avoir une action la plus large possible, est de fonctionner sur la base du « trépied » : professionnels de santé, élus et citoyens.

Que penses-tu de la politique de ce gouvernement vis-à-vis des hôpitaux ?

Ce qui termine de se mettre en place, car les réformes se sont enchaînées depuis de nombreuses années, quelle que soit la majorité gouvernementale, c’est une organisation sanitaire réduite à minima, avec un regroupement autour des CHU.

Sous l’objectif fallacieux « de l’accès à des soins d’excellence pour toutes et tous », les établissements de proximité sont réduits à peau de chagrin, obligeant les patients à faire des ­kilomètres pour se soigner.

En fait c’est la politique d’austérité, qui prévaut pour l’ensemble des services publics, qui pèse sur les établissements, imposant des fermetures de services, de lits, des réductions massives de personnels.

L’exemple le plus criant est sans doute aujourd’hui la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) où le manque de moyens a abouti à une souffrance des personnels et à une maltraitance institutionnelle des personnes âgées.

Mais cette situation se retrouve dans la quasi-totalité des hôpitaux et notamment dans les services d’urgences.

Tu es en Bretagne et, il y a quelques années à Carhaix, une lutte victorieuse en défense du service de chirurgie et de la maternité a largement marqué les esprits. Quelles leçons peut-on en tirer ?

La lutte victorieuse pour la maternité de Carhaix reste effectivement dans les mémoires, et pas seulement en Bretagne. Son succès est dû à plusieurs causes, mais la principale est bien la mobilisation large des personnels, des élus et des citoyens.

L’image emblématique du maire y a sans doute été pour beaucoup, mais il n’empêche que c’est tout un territoire qui s’est soulevé. Decazeville connaît le même type de mobilisation et continue à se battre pour la réouverture de la maternité. Il en est de même à Die où toute la population s’est mobilisée depuis 30 ans.

Cela prouve d’une part que la mobilisation est nécessaire : « Qui ne se bat pas est sûr de perdre », mais une mobilisation la plus large possible et faite pour durer car, partout la vigilance reste de mise, même à Carhaix !

Comment l’unité se réalise-t-elle entre les usagers, les syndicats et les personnels ?

La construction est différente d’un endroit à un autre ; parfois c’est le personnel qui commence une action et sollicite le soutien des usagers et des élus et parfois ce sont les usagers, plus rarement les élus qui démarrent.

Pour les personnels, le fait d’extérioriser l’expression est souvent capitale, notamment ces derniers temps où la répression des directions est de plus en plus dure. Dans les EHPAD, par exemple, le fait de faire se rencontrer personnels et familles de résidents permet le plus souvent non seulement d’avancer ensemble face aux directions et/ou aux tutelles, mais également d’éviter des conflits potentiels de personnes.

Comment vois-tu l’avenir de l’hôpital et en particulier les hôpitaux de proximité ? Et les luttes à venir ?

Les différentes réformes vont aboutir à une concentration des activités autour des CHU, avec un émiettement sur les sites périphériques : maternité, médecine, gériatrie… La psychiatrie est profondément remise en cause dans sa spécificité et, regroupée avec la Médecine chirurgie et obstétrique (MCO), elle ne sera plus en capacité de faire face aux besoins des patients.

Dans cette organisation, le secteur privé va se tailler la part du lion en récupérant une partie des activités les plus rentables : chirurgie ­programmée, oncologie, etc.

C’est la carte sanitaire qui va être totalement redessinée, faisant de certains territoires des déserts sanitaires.

Les « solutions » avancées par la ministre dans sa feuille de route n’apporteront pas de réponses satisfaisantes aux besoins de soins.

Par exemple, si l’ambulatoire est intéressant dans certains cas, il ne peut aucunement être LA solution. Bon nombre de personnes ne peuvent pas retourner à leur domicile après une intervention et ce d’autant plus que nous manquons de médecins pour assurer le suivi en aval.

La télémédecine est également un outil intéressant, notamment pour l’interprétation de radios ou d’examens de laboratoire ou pour la mise au point de protocoles, mais la prise en charge d’un patient exige plus que la présence devant un écran et, encore une fois, quel médecin sera en capacité de répondre à distance vu la pénurie actuelle ?

Il nous faut donc continuer à nous battre pour défendre un maillage équilibré du territoire, des structures de proximité travaillant en coopération avec des établissements plus spécialisés pour assurer la continuité de la prise en charge.

Depuis le début de l’année, nous avons engagé une campagne nationale pour l’accès aux soins de toutes et tous, avec une pétition nationale et des actions de nos comités. Cette campagne se terminera à Paris ou en région parisienne en juin prochain.

Il est urgent qu’une mobilisation la plus large possible se fasse pour la défense de l’accès aux soins et pour notre système de protection sociale. C’est un modèle de société néfaste au plus grand nombre qui se met en place et il est urgent d’appeler la population à exiger une autre ­ politique de santé.

Propos recueillis par Jeanine Carasco

Voir en ligne : https://npa2009.org/idees/sante/il-...

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Mis à jour le samedi 13 avril 2024