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ANTONIN BERNANOS :« Il y a une volonté de cibler des personnes, de faire des exemples, en espérant que ça fera peur aux gens qui luttent »

Crédit Photo : FB Libérons-les.

Incarcéré depuis le 18 avril suite à une plainte de militants fascistes, Antonin Bernanos est sorti de prison le vendredi 25 octobre, sous contrôle judiciaire, après une décision du juge des libertés et de la détention. Mais le parquet a fait appel et une audience est prévue le mardi 29 octobre au matin, au terme de laquelle Antonin pourrait malheureusement être remis en prison.

Un rassemblement est organisé mardi à partir de 8h au Palais de Justice (métro Cité), auquel le NPA appelle à participer pour faire entendre le soutien à Antonin (https://www.facebook.com/events/2752644704796117/), de même qu’il appelle à participer à l’indispensable solidarité financière avec Antonin et les autres militantEs antifascistes inculpés (https://www.lepotcommun.fr/pot/mz9rjmn6).

Nous nous sommes entretenus ce dimanche avec Antonin pour faire le point sur « l’affaire » et ses implications politiques, mais aussi pour discuter de l’État, de la police, de la gouvernance autoritaire de Macron, du danger de l’extrême droite et… de la prison.

Pour commencer, une question simple : comment vas-tu ?

Moi ça va. Bon, depuis que j’ai été libéré, tout est allé assez vite, et les choses sont compliquées avec le contrôle judiciaire : j’avais obligation de quitter Paris, je suis assigné à résidence, etc., et ça a fait pas mal de choses à gérer du jour au lendemain. Et puis en plus, je ne vais pas te mentir, j’ai déjà eu par le passé l’expérience de la Cour d’appel, et ça a souvent été une très mauvaise expérience, que ce soit pour l’affaire qui est en cours, où ils ont refusé systématiquement toutes les demandes de libération des JLD [juges des libertés et de la détention], et aussi lors de l’affaire précédente, l’affaire du 18 mai1, où j’ai été exactement dans la même situation, puisque j’étais sorti après une DML [demande de mise en liberté], que je me suis présenté libre à l’audience et qu’ils m’ont quand même renvoyé en prison.

Du coup j’ai un pied dedans et un pied dehors on va dire, je n’arrive pas du tout à me projeter dans la vie quotidienne, dans la vie de tous les jours, je m’attends au pire à partir de mardi. Pour te dire à quel point j’en suis, je me suis arrangé avec le directeur de la prison pour qu’il réserve ma cellule, pour qu’il mette une étiquette avec écrit « réservé jusqu’à mardi » afin que je ne reparte pas de zéro et que je ne doive pas tout recommencer si je retombe mardi prochain. Donc voilà, c’est compliqué, j’ai pris mes dispositions, mais comme je te le disais, j’ai la tête à moitié dedans et à moitié dehors.

Comment se sont passés ces six derniers mois, en prison ?

Ce n’est pas la première fois que je fais de la prison, donc c’était relativement simple. C’est une réalité que j’ai acceptée comme étant logique au regard des combats que je mène, et de la forme que ces combats prennent depuis quelques années. Après, ce qui a vraiment été dur, c’est le traitement carcéral, qui a été très différent, alors que l’affaire était nettement moins importante, médiatisée, et moins grave au niveau des faits, que la précédente.

Quand je suis arrivé à Fresnes, j’ai été placé à l’isolement tout de suite, en raison, me disait-on, de mon appartenance à des mouvances d’extrême gauche radicales et violentes. Je me suis donc retrouvé à l’isolement, ce qui est psychologiquement difficile à vivre. Ensuite, du jour au lendemain, on m’a transféré à la Santé en m’annonçant que je n’allais rester qu’une semaine parce que la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris demandait mon transfert en province en raison de mes soutiens en Île-de-France, qui pourraient nuire à la sécurité des établissements. Ils se justifiaient en parlant des feux d’artifices qui avaient été tirés à proximité le soir de mon anniversaire, et surtout en inventant des problèmes qui auraient eu lieu autour de Fresnes, comme des agressions de surveillants. Ils ont même parlé d’un risque d’évasion car des amis à moi auraient fait voler des drones au-dessus pour établir des plans de la prison…

Bref, du coup je me suis retrouvé à la Santé, avec cette menace qui planait de me faire envoyer, du jour au lendemain, à Poitiers, à Perpignan, je ne sais où, éloigné des miens. Mais après un combat assez long, j’ai réussi à rester à la Santé. À partir de là, les choses se sont passées un peu plus simplement, je n’étais plus à l’isolement, je n’avais plus de risque de transfert… En tout cas jusqu’à ce que je publie, récemment, une lettre qui a relancé la procédure de transfert.

Comment expliques-tu qu’ils s’acharnent comme ça ?

Ça peut sembler compliqué à expliquer, mais je crois qu’en fait, au cœur même des argumentations du Parquet et des juges, on trouve les raisons de l’acharnement. Le juge qui vient d’ordonner ma libération, c’est le même que celui m’avait incarcéré, Charles Prats. C’est un juge qui s’est fait connaître publiquement, sur les réseaux sociaux, comme un opposant aux antifascistes, aux « nervis d’extrême gauche » comme il les appelle… Le 16 mars, après la journée de manifestation et de révolte sur les Champs-Élysées, il parlait, sur Twitter, de « peste noire » qu’il fallait envoyer en prison. Il avait aussi déjà fait des commentaires au moment du 18 mai en disant que je méritais d’aller en prison… Bref, c’est quelqu’un qui est connu pour ses positions anti-mouvement social, qui apparaît dans plein de médias d’extrême droite.

Et donc c’est lui qui a autorisé ma sortie, alors que c’est lui qui m’avait fait enfermer. Mais en fait, il s’est retrouvé dans une situation dans laquelle, au vu du dossier, ce n’était vraiment pas possible de me maintenir en prison. Car c’est bien ce qu’on répète depuis le début : il n’y a aucun élément, dans le dossier, contre moi, ils ont une vidéo qui montre l’intégralité de ladite agression, et je ne suis pas présent sur la vidéo… Et donc ce n’est pas parce que j’ai été arrêté et que j’étais présent à proximité de là où ça s’est passé que l’on peut retenir contre moi des accusations de violences. Ce juge a donc fini par céder, en disant que j’avais été entendu par la juge d’instruction et qu’il n’y avait aucun élément contre moi.

Mais il a mis des choses « intéressantes » dans la balance. Déjà, je suis sorti avec le paiement de 10 000 euros de caution, préalable à ma libération, et le juge assume le fait que c’est fait pour cibler le soutien financier dont on serait bénéficiaires. On dirait vraiment les accusations de l’extrême droite selon lesquelles on serait financés par je ne sais quel organisme souterrain… Et au-delà, c’est clairement un moyen de cibler directement la solidarité des gens, les dons qu’on a eus. En plus, je suis interdit de Paris, interdit de région parisienne même, interdit de voir mon frère, assigné à résidence et, quelque chose d’intéressant, interdit de manifester. En gros j’ai été arrêté dans le cadre d’une affaire d’affrontements, qui ont eu lieu, apparemment, un peu par hasard dans les rues de Paris le soir où Notre-Dame a brûlé, et je suis interdit de manifester, alors que ça n’a rien à voir. C’est complètement illégal. Imagine, demain je suis arrêté pour un défaut de permis et, parce que je suis Antonin Bernanos ils peuvent m’interdire de manifester…

Donc c’est un acharnement très politique.

Oui, je trouve que tout ça est très révélateur des raisons pour lesquelles je suis resté aussi longtemps en prison. Il se trouve qu’il y avait des mouvements sociaux forts à l’extérieur, les Gilets jaunes bien sûr, mais aussi d’autres mouvements à d’autres moments : par exemple l’un des motifs du renouvellement de mon mandat de dépôt en août, alors que le JLD avait décidé de ne pas le renouveler, ça a été, c’est écrit noir sur blanc, qu’il y avait un risque trop important de me laisser sortir à quelques jours du G7 [à Biarritz], alors que je pourrais organiser les révoltes et les actions violentes à l’encontre des policiers…

Il y avait donc vraiment une volonté, je pense, de me tenir à distance de la contestation sociale, une volonté aussi de construire une fausse image de moi en tant que leader d’une mouvance violente, comme s’il y avait une mouvance terroriste qui s’en prenait à l’État et aux forces de police, et qui serait orchestrée par ma personne, ce qu’on retrouve avec l’interdiction de manifester.

Tu noteras au passage que, parallèlement à ça, alors qu’ils politisent au maximum l’affaire, en faisant de moi un espèce de leader d’extrême gauche dangereux qu’il faut à tout prix tenir à l’écart des mouvement sociaux, il y a une criminalisation totale des faits. Ce qui est reproché aux gens, ce sont des vols et des violences, comme si un affrontement avec l’extrême droite pouvait être résumé à ça… Et par ailleurs, dernier point, dans mon contrôle judiciaire il y a une obligation de soins et de suivi psychiatrique. Je vais devoir me soigner, avec obligation de médicamentation si on me l’impose, et obligation de soins psychiatriques, comme si l’engagement des gens et leur investissement dans les luttes étaient liés à des problèmes psys, et n’étaient pas une réponse politique à un ordre social injuste…

Donc finalement en reprenant le dossier on comprend les raisons de l’acharnement contre moi, un acharnement qui, je tiens à le dire, n’est pas nouveau et ne me concerne pas que moi, mais plein d’acteurs du mouvement social. On le voit par exemple avec Assa Traoré qui est poursuivie pour des motifs qui n’auraient jamais été utilisés contre d’autres avant. Il y a une volonté de cibler des personnes, de faire des exemples, en espérant que ça fera peur aux gens qui luttent, que ça permettra de stopper les contestations, de freiner les mobilisations sociales.

Et c’est donc en raison de la dimension politique de la chose que tu as choisi d’écrire une longue lettre, un texte politique, qui a été publié sur divers sites militants, dont celui du NPA2, dans lequel tu parles de l’articulation entre la montée de l’extrême droite, l’autoritarisme, le durcissement de la répression policière et judiciaire ?

Oui, c’est pour ça. Je tenais à faire ce « point » politique, c’est vrai que la lettre était longue, mais ça faisait longtemps que je n’avais pas eu l’occasion de parler, mon courrier était bloqué, ça avait été très long de débloquer le parloir pour mes proches… Donc voilà, du fond de ma cellule, je constatais plusieurs choses et j’avais envie d’en parler. Je voyais se prolonger ce à quoi on avait assisté pendant les Gilets jaunes, c’est-à-dire cette manipulation à l’encontre du mouvement, d’essayer de le rendre illégitime en le faisant passer pour un mouvement d’extrême droite, tout en favorisant la répression contre les franges du mouvement social traditionnel qui essayaient de s’investir dans le mouvement plus que contre les franges d’extrême droite, qui avaient beaucoup plus de libertés que nous, pouvaient attaquer des cortèges dans les manifs sans qu’il se passe quoi que ce soit et sans qu’ils se fassent perquisitionner le lendemain. Ce qui m’a donné envie de faire ce texte, de proposer une analyse politique de l’articulation entre l’État, le gouvernement, le fascisme et le capitalisme qui, s’ils ne sont pas nécessairement la même pièce du puzzle, sont complémentaires : quand le capitalisme entre en crise et que les gouvernements n’arrivent plus à gérer les mouvement sociaux, ils regardent du côté du fascisme, reprennent leurs thèmes, comme on l’a encore vu récemment avec les débats publics sur l’immigration et la folie islamophobe.

Au NPA, on prend depuis quelque temps au sérieux l’hypothèse d’une accession au pouvoir de l’extrême droite. C’est ce que tu as en tête toi aussi ?

Je le prends au sérieux, mais sans pour autant dire que la prise de pouvoir de l’extrême droite sera forcément le Rassemblement national qui gagnerait les élections. En tout cas, je constate aujourd’hui que, d’une certaine façon, l’extrême droite est déjà en train de prendre le pouvoir. Ce n’est pas parce que le Rassemblement national n’est pas au pouvoir que leurs thèses, que les thèses fascistes, n’ont pas pris une importance considérable au sein de tout le champ politique. Quand on en est à faire des débats sur l’immigration comme ceux qu’il y a à l’heure actuelle, quand on voit les hommes, femmes et enfants qui périssent par milliers en Méditerranée, quand on explique qu’il est normal et logique d’être islamophobe, tous ces débats complètement hystérisés, avec en plus des violences policières toujours plus nombreuses et récurrentes, une police qui s’assume, on l’a vu dans des sondages et des enquêtes, comme votant à l’extrême droite… alors oui, on peut dire que la prise de pouvoir de l’extrême droite est crédible, elle est possible, et elle est en cours. Bref, le fascisme au pouvoir ça ne se réduit pas à « le Rassemblement national gagne les élections ».

Mais y a rien d’irréversible non plus là-dedans. C’est pour ça que toi, tu es militant antifasciste et que tu penses une riposte à construire, globale, pour endiguer ça ?

Oui, mais je pense que cette riposte ne peut se faire que par le bas, et que c’est un antifascisme de terrain qu’il faut porter. C’est ça aujourd’hui la priorité. Encore une fois, je vais parler du gouvernement et du débat public : Macron nous a fait le coup pendant les européennes, je regardais ça en cellule, j’étais à la fois horrifié et très intéressé par cette volonté qu’il y avait d’opposer les « progressistes » aux fascistes. Macron a refait le coup du second tour [de la présidentielle] au moment des élections européennes : c’est soit moi, soit le fascisme, comme s’il n’y avait pas d’autre solution. Je pense que c’est un coup qu’il va refaire encore au moment des municipales : soit le libéralisme, soit le fascisme. Alors qu’à côté de ça, le pouvoir entretient une certaine forme de fascisme et il y a une volonté de discréditer et de disqualifier tous les acteurs d’un antifascisme conséquent, d’un antifascisme de terrain, qui luttent sur les lieux de travail contre le fascisme, qui luttent dans les rues contre le fascisme, qui luttent dans les mouvements sociaux contre l’implantation et la propagation du fascisme, y compris au sein de nos propres mouvements.

Je pense que ce dont on parle n’est pas irréversible, que ce n’est pas quelque chose qui est fatal et qu’il faudrait baisser les bras. Bien au contraire, je pense qu’il faut s’unir et qu’aujourd’hui, il y a des acteurs du mouvement social, principalement, et aussi de la société civile qui pensent ces questions-là de manière totalement différente. Il faut que le débat s’ouvre. Je pense que le NPA a été un des premiers acteurs à penser cette question de l’antifascisme comme étant beaucoup plus large que le seul combat contre l’extrême droite, qu’il faut amener aussi la question des quartiers, celle de l’islamophobie, et proposer des cadres d’alliance que moi je pense vraiment nécessaires pour la suite, de fronts communs antifascistes. Mais on parle bien de fronts communs qui ne négocient pas la question du fascisme, en disant par exemple « L’islamophobie non, c’est pas le moment, ce qu’il faut c’est parler de l’extrême droite » ou « Non, le racisme d’État, c’est pas la même chose, on verra plus tard ».

Il y a donc des choses qui se font, des choses qui se sont faites, et des victoires aussi. Il faut se le dire : la réponse qu’on a eue au sein des Gilets jaunes, faire corps tous ensemble et se soutenir face aux attaques des groupes d’extrême droite, qui étaient de plus en plus nombreuses, eh bien ça, c’était une victoire concrète. Parce que si jamais on n’avait pas pris ce parti-là, ou si on avait fait comme d’autres qui nous disaient « Il ne faut pas aller dans ce mouvement, c’est un mouvement d’extrême droite, vous allez pactiser avec le diable », ou si on avait choisi, comme certains adeptes de l’insurrection, de faire l’impasse sur la question de la présence de l’extrême droite dans le mouvement, le risque était que ce dernier se droitise de plus en plus, qu’il intègre en son sein des militants d’extrême droite, qui auraient eu une tribune, un terrain dans lequel s’exprimer, et ça aurait pu être vraiment dangereux. Donc je pense qu’il y a eu de petites victoires, qui ne sont pas si petites que ça, et qu’il faut penser la chose de manière plus large, et continuer de travailler en commun pour la suite, c’est ça qui est essentiel.

À la fin du texte que tu as écrit, tu mets au centre des combats révolutionnaires la question de la lutte anticarcérale. Tu as déjà été et tu es aujourd’hui encore confronté à la chose, mais est-ce que tu penses que, de manière générale aujourd’hui, en tant que militants anticapitalistes, antifascistes et révolutionnaires, la question de la prison est quelque chose que personnellement et politiquement nous devons affronter et/ou se préparer à affronter, et d’une manière plus conséquente qu’aujourd’hui ?

Il faut faire mieux sur cette question, c’est évident, et je me mets dans le lot aussi. Je suis un grand adepte du « Il faut lutter contre la prison » au moment où ça me concerne. J’en prends vraiment conscience au fur et à mesure que les années passent. Je suis sorti de ma première peine de prison en me disant qu’il y avait vraiment une nécessité de la lutte anticarcérale aujourd’hui. Je suis sorti, et je n’ai rien proposé, rien fait de nouveau jusqu’à ce que je retourne en prison pour me dire « Oui, c’était important, mais qu’est-ce que j’ai fait depuis ? » C’est un problème qui traverse l’ensemble du mouvement social.

Le premier problème, c’est de considérer que la prison c’est important uniquement quand ce sont les nôtres qui y sont confrontés, et c’est quelque chose qui arrive de manière assez régulière. Le deuxième problème, c’est de ne pas prendre cette question à bras-le-corps et de ne pas réfléchir à ce que c’est la prison aujourd’hui dans notre société. Quand on pense à ce que représente la prison aujourd’hui, et quand on est antifasciste et qu’on porte un projet antifasciste conséquent, on est obligé de comprendre que la prison est l’une des institutions qui fait fonctionner le mieux, et de la manière la plus pérenne, le racisme d’État en France. Quand on est en prison aujourd’hui, on se retrouve essentiellement avec des jeunes, des quartiers populaires, qui sont noirs, arabes, musulmans, qui sont ciblés par des contrôles de police depuis longtemps, un système de contrôle raciste. Certes, Balkany a été condamné, mais habituellement les hommes de la bourgeoisie en col blanc sont systématiquement relaxés, ou condamnés sans peine ferme pour des crimes qui impactent bien plus la société et le corps social que le fait d’avoir dealé une barrette de shit ou le fait d’avoir essayé de s’en sortir comme on peut.

Je pense qu’aujourd’hui, il y a un véritable problème au sein du mouvement : comment on se saisit de la question carcérale, comment on le fait intelligemment, c’est à dire au-delà des mots, et surtout comment on le fait avec les gens qui sont concernés par ça. Quand j’étais en prison, j’en parlais avec un militant basque. Eux se sont saisis de la question carcérale, en parlent et font des choses depuis longtemps, mais ils le font toujours vis-à-vis de leur propres situation, ils sont toujours tournés vers eux-mêmes, sans parler de la prison comme étant un système qui englobe l’intégralité de la société. C’est le militant basque lui-même qui faisait cette autocritique… Si ça n’englobe pas l’intégralité de la société, ça englobe au moins, et ça concerne au moins l’intégralité d’une classe sociale qui est la classe ouvrière aujourd’hui, sous toutes ses formes. Avec ses mutations, ses spécificités en fonction des zones géographiques…

Aujourd’hui, il y a un débat à avoir, une question à se poser : accepter d’abord tous que cette question, on l’a mise de côté et qu’on ne l’a pas traitée comme il fallait, moi le premier, c’est essentiel. Et ensuite, se poser avec les acteurs du mouvement, tous ensemble autour d’une table et se dire : « Qu’est-ce qu’on peut penser ensemble, qu’est-ce qu’on peut travailler et produire pour construire quelque chose de conséquent contre la prison aujourd’hui ? » Et ne pas considérer que c’est une lutte à part de nos luttes. C’est une lutte qui est pleinement dans nos luttes.

Les classes populaires sont les premières ciblées, comme ça l’a toujours été, par l’institution carcérale. Si on est vraiment au service des classes populaires, si on est vraiment au service de la classe ouvrière, alors l’institution carcérale doit être un sujet de premier plan que l’on doit traiter en tant que militants révolutionnaires. Et si on est vraiment antifascistes, et si on prend vraiment la question du racisme d’État au sérieux, la prison telle qu’elle est aujourd’hui, c’est une institution que l’on traiter et combattre collectivement, par tous les moyens possibles.

Propos recueillis par Julien Salingue

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Mis à jour le samedi 13 avril 2024