Dans l’église de Lavelanet, une chapelle dite « de France » renferme deux peintures murales de Reynold Arnould dédiées aux « grands hommes et aux grandes femmes de France ». Sur l’une d’entre elles figure, en bonne place, le maréchal Pétain.
Pour justifier cette présence,François Vatin, un des co-auteurs du livre « Reynold Arnould , une poétique de l’industrie » affirme : « Il faut comprendre que l’oeuvre a été commandée et conçue avant l’occupation de la zone sud. Il faut bien faire la différence entre le pétainisme et la collaboration dans la conscience de l’époque [,,,] Autrement dit, ces tableaux ne sont nullement à la gloire de l’Allemagne. Ils sont un appel à la renaissance d’une France éternelle, nécessairement catholique, sous la protection de son grand chef militaire, le maréchal Pétain [,,,] Les oeuvres sont marquées par la naïveté du pétainisme de 1940, période où les deux tableaux ont été conçus . »
Encore une révision de l’ Histoire à la « Bolloré-Zemmour » ?
Oui, car la propagande pétainiste est une chose, mais la réalité de la France sous Pétain en zone non occupée de 1940 au 11 novembre 1942, est autre chose !
Dès juillet 1940, les lois racistes et liberticides se mettent en place. Passons sur les interdits professionnels et la répression des gens de gauche et d’extrême gauche et revenons à l ’ « aryanisation » de l’économie et la déportation des Juives et Juifs.
L’aryanisation économique :
Elle consiste à confisquer les commerces et entreprises détenus par des Juifs, de les faire gérer par des administrateurs provisoires et de les vendre à des non-juifs ...
En Ariège, 90% des entreprises possédées par des juifs seront confisquées mettant leurs propriétaires dans la misère et profitant à certains « Français » sans scrupule. A rapprocher des justificatifs donnés au sujet du peintre de Pétain à Lavelanet qui « avait besoin d’argent et a honoré la commande » ...
Voici le discours de l’époque dans le livre de Jean Estebe « Les juifs à Toulouse » :
"L’Ariège n’avait pas de communauté juive véritable mis à part le centre textile de Lavelanet. Un informateur du CGQJ ( Commissariat Général aux Questions Juives ) un rien excessif y décrit ainsi la situation en 1941 :
« Le Juif est peu répandu dans le département de l’Ariège. L’Ariège est certainement un des départements français les moins contaminés. Toutefois il existe un groupe de communes qui, depuis l’Armistice, a vu s’abattre sur lui une nuée de Juifs repliés qui ont donné grand essor au marché noir, aux menées gaullistes et aux affaires véreuses : il s’agit du groupe Lavelanet-Laroque-Belesta, centre textile important : plus de soixante fabricants.
L’abcès qui a ainsi surgi est encore le seul dans son genre dans le département. Une action vive et rapide dans le secteur libérerait l’ensemble du département du virus juif.
L’étude de Lavelanet peut être considérée comme celle du département en entier ; cette ville est en effet le ghetto de l’Ariège ».
Suit une liste de sept entreprises de Lavelanet considérées comme juives, puis une description des Juifs les plus marquants dont un « propagandiste anti-national apparenté aux milieux communistes [...] affreusement sale et cauteleux »."
Ce livre fait partie du domaine public et peut être accessible avec ce lien :
https://books.openedition.org/pumi/17866
Cette « aryanisation économique » est menée par les préfets ( Fernand Bidaux de septembre 1940 à novembre 1941, Pierre Monzat de décembre 1941 à fin 1943 ), la police ( avec la Section d’ Enquêtes et de Contrôles et l’inspecteur Colly ) et les administrateurs provisoires ( au nombre de quatre ).
La déportation des Juives et Juifs, vers leur extermination.
Les statuts et les mesures d’exclusion des Juifs sont d’initiative française et l’Etat français va servir et imiter les mesures nazies dans la zone sud également.
Il y a eu la rafle du Vel’d’hiv à Paris en juillet 1942, mais aussi en zone non occupée avec surtout la rafle du 26 août 1942 pour livrer 10 000 juifs à l’extermination. Serge Klarsfeld l’a ainsi formulé : « Les seuls Juifs arrivés à Auschwitz en provenance d’un territoire où il n’y avait pas d’Allemands pour les arrêter, ce sont les Juifs de la zone libre de Vichy ».
En Ariège, Administration et police vont déporter 300 personnes, à partir de listes fournies par les communes et en prélevant dans le camp du Vernet ainsi qu’à Aulus-les-Bains !
Parmi elles, Fanny Reich, une fillette de 2 ans ...
Nous n’avons pas de photographie de Fanny, mais celle d’ Egon Berlin ( au centre avec d’autres jeunes au château de la Hille protégés par la Croix rouge suisse ). Egon Berlin évitera la rafle d’août 1942 en rejoignant la Résistance ariégeoise au sein des FTP. Juif Allemand de 16 ans, il mourra aux combats de Roquefixade, tué par les GMR et la milice, vous savez, ces partisans de la « France éternelle » !!!
Pour l’avenir, n’oublions pas les victimes de Pétain et de ses soutiens, n’oublions pas Fanny et Egon !
JCS.
Pour aller plus loin, un excellent livre : « La vie quotidienne des Juifs en Ariège, 1940-1945 » de David Lilienfeld aux éditions « Les trois chaises » ( Massat ).