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Grèce. « Si la classe ouvrière n’est pas organisée, il n’y a pas moyen d’arrêter les attaques »

Interview avec Thanasis, militant d’OKDE-Spartakos

Interview de Thanasis Antoniou, membre de l’OKDE-Spartakos/Antarsya (Grèce), à l’occasion de l’université d’été du NPA, au cours de laquelle il est intervenu dans le Forum international « Après le diktat troïka-Tsipras, comment battre l’austérité en Europe ? », qui a rassemblé également Miguel Urban pour Anticapitalistas/Podemos (Etat Espagnol), et un membre du DEA/Plateforme de gauche de Syriza .

Que penses-tu de la nouvelle situation en Grèce depuis la démission de Tsipras ?

Thanasis : On peut dire que la situation était prévisible parce que cela aurait été très difficile pour le gouvernement d’appliquer le nouveau memorandum. Vu la situation, Tsipras a besoin de modifier son gouvernement. Comme le parti est divisé et que la majorité de sa base ne le soutiendra pas, il doit trouver un autre moyen pour le faire. Cela aurait été perçu comme un coup d’Etat de Tsipras s’il avait décidé d’expulser la Plateforme de gauche de Syriza pour ensuite faire des alliances avec To Potami, le Pasok, etc.

Les élections apparaissent probablement comme la décision la plus bénéfique pour lui parce qu’il est encore assez populaire, et ses adversaires des partis bourgeois plutôt mal positionnés. Le chef de Nouvelle Démocratie n’arrive pas à inspirer sa base, il est vraiment très conservateur et ses apparitions publiques convainquent peu de monde.

Le PASOK est dans une position encore pire : ses scores dans les sondages sont très bas, il obtiendra les plus bas jamais atteints dans les prochaines élections. Certains disent même qu’ils n’obtiendront aucun siège au Parlement, mais je n’en suis pas sûr, même si je suis certain qu’ils obtiendront moins de 5 %. La base du parti est déprimée et ils n’ont pas les moyens pour mener une nouvelle campagne. To Potami, pour le moment, est dans une position similaire dans la situation actuelle, même s’ils pourraient obtenir plus de 10 % étant donnée l’importance que les médias leur accordent.

Les autres partis bourgeois ne veulent pas d’élections car ils ne peuvent pas mener la campagne comme ils voudraient et cela donne l’avantage à Tsipras. Ce qu’ils défendront au Parlement après les élections ce ne sera pas seulement un programme d’attaques contre les droits des travailleurs mais une menace pour les conditions de vie d’une grande partie de la population du pays.

Il y a des secteurs de la société grecque qui ont été touchés par la crise mais qui ont réussi à échapper aux principales conséquences de celle-ci. Par exemple la population rurale ne payait pas autant d’impôts et bénéficiait jusqu’à maintenant de prix plus bas pour le gaz et le pétrole. La principale taxe que les fermiers payaient était la taxe foncière. Ils n’ont donc pas subi le fardeau de la crise de la même façon que d’autres secteurs de la population et arrivaient à venir en aide aux membres de leur famille qui vivaient dans d’autres régions en leur envoyant de l’argent. Mais si ces gens commencent à payer des impôts comme le reste de la population, cette pratique disparaitra.

Par ailleurs, la sécurité sociale ne sera plus financée comme avant. Les pensions de retraite baisseront, les services de santé publics ne seront plus accessibles à une large partie de la population. Il y a très peu de chances que les salaires augmentent parce que Syriza, au contraire de ce qu’ils avaient promis, n’a pas voté l’augmentation des salaires les plus bas au moment où c’était possible, avant de signer le mémorandum, et les patrons n’accepteraient pas une telle mesure aujourd’hui. Dans la plupart des cas, les choses seront pires.

Le prochain gouvernement ira plus loin que l’actuel. Celui-ci a principalement augmenté les impôts. Le prochain mettra en place un programme beaucoup plus offensif contre les classes populaires. Cependant,je pense qu’il ne pourrait pas le faire sans le consensus d’autres partis.

Que penses-tu de la nouvelle formation politique, Unité populaire, et de ce qu’ils disent ?

Je pense que cette rupture avec Syriza est une bonne nouvelle, mais je reste sceptique. On doit l’être parce que ces individus viennent de Synaspismós, principale composante de Syriza depuis les années 1990, ils savaient avec qui ils travaillaient et jusqu’en juin ils étaient membres du gouvernement dans des positions clé. Lafazanis étaient ministre de l’Energie et Costas Isychos était vice-ministre de la Défense au moment où Tsipras a conclu l’accord militaire avec l’Etat d’Israël, Stratoulis était ministre de l’emploi etc.

Ces individus savaient ce qui se passaient et ont choisi de rester dans Syriza jusqu’à ce que la direction de Syriza les force à quitter le parti. Ils ont voté au parlement pour Prokópis Pavlópoulos comme président de la République alors ce dernier était ministre de l’Intérieur lors des émeutes urbaines de 2008 suite à l’assassinat par la police du jeune de 15 ans Alexandros Grigoropoulos. A l’époque la discussion au sein de Nouvelle Démocratie état s’il fallait ou non envoyer l’armée dans la rue. Et Pavlópoulos était au centre de cette discussion.

Ils se sont disciplinés jusqu’au dernier moment et face à tous les reculs programmatiques de la direction de Syriza ils n’ont jamais fait aucune différenciation fondamentale. Ils ont très peu soutenu le mouvement après le référendum, même s’ils ont un peu mobilisé pour appeler à voter pour le NON. Quand c’était clair que le gouvernement ne respecterait pas l’avis de la majorité de la population, ils n’étaient pas prêts pour aider à construire un mouvement anti-gouvernemental de masse. Ils n’ont pas du tout soutenu les militants d’Antarsya qui ont été réprimés au lendemain du référendum.

Je ne pense pas qu’on puisse leur faire confiance. Je pense que c’est bien qu’ils aient quitté Syriza, même s’ils ont été poussés à la porte par la direction, mais ils ont beaucoup à faire pour construire des liens de confiance avec les travailleurs de Grèce. Ils ont perdu beaucoup de crédit auprès d’eux, notamment en raison de leur passivité dans les syndicats ces dernières années.

Dans quels syndicats sont-ils implantés ?

Pour la plupart, ils sont implantés dans le secteur public. Mais ils sont également dans les ports, certaines (grandes) industries. Ils ont fait alliance avec certains secteurs qui ont rompu avec le Pasok, mais ne les contrôlent pas entièrement. Ces secteurs sont avant tout syndicalistes, ils ne feraient pas grève contre leur propre gouvernement. L’un des problèmes pour Syriza était son manque de syndicalistes de qualité. Ils étaient en grande partie intégrés à la bureaucratie du parti. Donc je ne sais pas quelle serait leur influence dans la classe s’ils n’ont plus le soutien du parti.

Quelle devrait être la politique des anticapitalistes ?

L’objectif principal devrait être de se préparer pour les luttes à venir. On n’est plus dans une période où les travailleurs ont le temps pour discuter. Si les gens commencent à défendre leurs conditions de vie, ces mouvements feront face à une répression importante et à des attaques de la part de la police. C’était urgent pour la gauche révolutionnaire de réfléchir à comment remettre les syndicats de nouveau en marche, comment les assemblées locales pourraient défendre le logement contre les banques qui voudraient les réquisitionner, comment créer des réseaux d’aide mutuelle.

Mais la question de l’auto-organisation demeure très importante. Importante parce que la gauche en Grèce semble ne s’intéresser qu’aux élections et cela a fait qu’une grande partie des gens sont démoralisés, considérant que tout est déjà joué. C’est vrai qu’une partie des courants de l’extrême gauche, y compris certains dans Antarsya, ont adopté cette vision et considèrent donc qu’il faut juste construire des fronts.

Mais il est temps pour la gauche révolutionnaire d’agir un peu différemment. Par exemple, alors qu’il existe des expériences d’auto-organisation et de contrôle ouvrier, comme l’usine Vio.Me, il n’y a pas eu de campagnes mettant en avant cette perspective pour les travailleurs. De telles campagnes pourraient redonner le moral aux travailleurs.

Par ailleurs, je pense qu’il faudrait discuter avec les camarades qui quittent Syriza. Mais la discussion sur notre collaboration dans une même organisation ne peut pas se mener s’ils continuent à soutenir la bureaucratie dans l’industrie ou à dire les mêmes choses que la Syriza des origines. Publiquement, ils disent seulement que Tsipras a trahi Syriza. A mon avis c’est insuffisant.

Il faut discuter, organiser les luttes avec eux. Toute recomposition de l’extrême gauche se fera à travers les luttes. On ne peut pas leur laisser la possibilité de définir à quoi ressemblera la gauche à l’avenir. Il faut que la base ait la possibilité de se prononcer sur le programme, l’organisation. La démocratie au sein de nos organisations est d’une importance capitale car sans démocratie interne, on n’arrivera jamais à promouvoir l’idée d’une démocratie ouvrière.

Que se passe-t-il du côté d’Antarsya ?

Les débats au sein d’Antarsya sont très tendus. ARAN, ARAS et une partie de NAR veulent s’unir d’emblée avec Unité Populaire de Lafazanis. Il y a actuellement un grand désaccord sur notre participation aux élections. C’est un problème qui va au-delà d’Antarsya, il englobe l’ensemble de la gauche radicale. Certains disent qu’on est dans une période de défaite, de reflux, qu’il faut organiser nos efforts au sein des fronts qui essayeront de défendre les intérêts de la classe et qu’on verra quoi faire si les fronts échouent. Cette position essaye de constituer un nouveau front à chaque fois que le précédent est mis en échec. Ils sont toujours à la recherche de la prochaine tactique électorale.

L’autre position, dont je suis plus convaincu, est qu’un front électoral est parfois utile, mais que si la classe ouvrière n’est pas organisée, il n’y a aucun moyen pour vraiment arrêter les attaques. Si on n’a pas de base dans la classe, pas de syndicalistes ou de travailleurs combatifs qui rejoignent l’organisation, on ne peut pas combattre les attaques, inspirer les masses et renverser le rapport de forces.

L’implantation de la gauche au sein de la classe ouvrière est une question fondamentale. Comme la plupart des classes populaires se trouvent dans une situation économique extrêmement compliquée, c’est difficile pour eux de discuter politique. Trouver les outils de lutte au sein de la classe pour lutter doit être l’une de nos priorités. Il faut travailler dans la classe, construire des mouvements, utiliser la tactique de front unique, donner un rôle croissant à la base, aux travailleurs de tous les jours. On ne peut pas simplement construire des fronts électoraux d’en haut par des alliances entre des directions politiques différentes.

Quelle est la situation de la lutte de classe aujourd’hui en Grèce ?

On peut dire qu’une partie de la classe ouvrière a été défaite et qu’elle reste passive. Mais une autre partie de la classe est très ambitieuse, très combative. Concernant le référendum, pendant 10 jours, les médias disaient que c’était très dangereux pour la Grèce, racontaient tout le mal qui arriverait. Mais la plupart des gens ne s’en préoccupaient pas. Ils pensaient que tout ce qui pourrait éventuellement arriver ne pourrait pas être pire que ce qu’ils vivaient déjà à ce moment-là. Des grèves combatives et victorieuses ont eu lieu ces derniers temps. Une grève contre le travail dominical par exemple. Il s’agit de l’une des nouvelles mesures de ce gouvernement. Les magasins peuvent désormais être ouverts sept dimanches par an. C’est énorme ! Le fait de travailler le dimanche, alors que le chômage est important et que beaucoup sont fatigués, sur-exploités, est un vrai problème pour les travailleurs. Sachant par ailleurs que beaucoup ne peuvent pas s’acheter des produits de première nécessité, c’est assez illogique que le gouvernement pense que le marché ne fonctionne pas parce qu’il est interdit aux magasins d’ouvrir le dimanche. Alors la grève et le blocage des entreprises vestimentaires internationales ont très bien marché cet été.

En plus, il y a d’importantes luttes dans les restaurants et les bars. Un syndicat des serveurs et des cuisiniers à Athènes a mobilisé pour mettre un arrêt aux licenciements. Beaucoup de jeunes y participent et c’est très intéressant. Une partie de la classe ouvrière, surtout chez les jeunes, semble prendre confiance. Ils disent qu’en Grèce on lutte !

Voir en ligne : http://www.revolutionpermanente.fr/...

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Mis à jour le dimanche 24 mars 2024