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Election du parlement de Catalogne

L’élection du parlement de Catalogne, base du gouvernement autonome (la Generalidat), vient de se dérouler le 27 septembre. C’est une élection à la proportionnelle dans quatre circonscriptions correspondant aux provinces de Barcelone, Girona, Lleida et Tarragona. Elle a connu un franc succès avec 77,5% de votants, soit 10% de plus qu’en 2012, sans doute du fait de la polarisation d’un scrutin présenté comme un référendum pour ou contre l’indépendance. Mais il serait faux de réduire le vote à ce seul aspect, même s’il était au cœur des débats, et il faut analyser ce qui s’est passé dans chaque camp, sans oublier que s’il y a des partisans et des adversaires du processus d’indépendance le clivage droite – gauche et les antagonismes de classe n’ont pas disparu pour autant.

A droite le fait marquant est le score de Ciutadans, le « parti de la citoyenneté », la 2° liste en nombre de voix. Ciutadans passe de 7,5% à près de 18%. A l’inverse le Parti Populaire recule de 13% à 8,5%. Comme les deux formations sont également hostiles aux indépendantistes, ce transfert a d’autres origines. Certes le Parti Populaire n’a jamais obtenu un score important en Catalogne, mais la claque reçue ce 27 septembre a une portée plus générale, elle a été infligée au parti qui gouverne l’Etat espagnol, au parti de RAJOY. Cependant la défaite du Parti Populaire ne profite ni à la gauche institutionnelle ni aux indépendantistes.
Non seulement Ciutadans, le prétendu parti des citoyens qui incarne la « droite moderne » et libérale dégagée des résidus du franquisme, a taillé des croupières à la droite conservatrice, mais il a ratissé plus large, y compris dans un électorat populaire trompé par un discours faussement rénovateur et dans une petite et grande bourgeoisie catalane inquiètes de l’audace toute nouvelle d’Artur MAS et de son parti. L’émergence de Ciutadans, confirmant ses résultats des municipales, pourrait se retrouver lors des élections générales ; une nouvelle génération de la droite libérale et européenne viendrait marginaliser un parti populaire réactionnaire et clérical.

Junt per el Sì, la coalition indépendantiste dirigeant la Generalitat, est largement arrivée en tête avec 39,6% des voix mais elle n’a pas obtenu le résultat escompté, un sérieux problème puisqu’elle souhaitait faire de ces élections un plébiscite en faveur de l’indépendance. Même si Artur MAS insiste sur le fait que les indépendantistes sont majoritaires au parlement, cette majorité inclut la CUP : à un député près Junt Per el Sì a perdu sa majorité absolue en sièges. Les résultats en terme de voix font l’objet d’une polémique : les partis unionistes et le gouvernement espagnol insistent sur le fait que les séparatistes sont minoritaires dans l’électorat, mais pour se faire ils comptabilisent dans le camp la totalité des suffrages qui se sont portés sur la liste « Cataluña Si que es Pot », alors qu’il est plus logique de les classer parmi les « neutres ».

Les listes Junt per el Sì ont été constituées après de laborieuses tractations portant essentiellement sur les places à prendre par Convergència i Uniò, le parti du président de la Generalitat, Artur MAS, et par l’ERC, la Gauche Républicaine de Catalogne. En 2012 Convergència avait obtenu 30,7% et l’Esquerra Republicana 13,7%. L’addition des deux en 2015 ne fait pas le compte : légère progression en nombre de voix mais baisse en pourcentage du fait de la forte participation. Les adversaires de l’indépendance ont mobilisé davantage que les séparatistes et, comme indiqué plus haut, une partie de la bourgeoisie catalane qui soutient traditionnellement Convergència n’a pas suivi un Artur MAS qui semblait prêt à affronter l’appareil de l’Etat espagnol et à se lancer dans une aventure pouvant compromettre l’appartenance à l’Union Européenne et à la zone euro.
En raccourci Convergència est une formation de centre droit. L’ERC, après avoir été longtemps le parti de la gauche catalane, celui de Lluis Companys, expression de la petite bourgeoisie indépendantiste et radicale, pourrait être aujourd’hui classé au centre gauche. L’ERC recueille les voix de secteurs populaires de gauche qui n’adhèrent pas aux positions anti-indépendantistes des partis socialistes et communistes. Il est possible que certains électeurs de l’ERC, qui avait progressé aux municipales, n’aient pas voulu de la liste commune et se soient reportés sur la CUP.

En 2012 le parti socialiste catalan, une projection du PSOE, avait obtenu 14,4%. Opposé à l’indépendance, le PSC a toujours eu un électorat ouvrier et populaire non catalan, parmi les travailleurs originaires d’Andalousie et d’autres régions. En 2015 le PSC retrouve le même nombre de suffrages et perd un peu en pourcentage. Ce qui est clair c’est que le premier parti d’opposition nationale au gouvernement RAJOY ne bénéficie pas du discrédit de ce dernier.

L’analyse des médiocres résultats de la liste « Cataluña Si que es Pot » est plus compliquée. Il s’agit d’une alliance électorale entre ICV (Initiativa per Cataluña Verds, qui regroupait déjà la coalition Esquerda Unida constituée autour du PSUC, le PC catalan, et les Verts), PODEM qui est la dénomination de PODEMOS en Catalogne et divers groupes qui avaient porté notamment la candidature d’Ada COLAU, l’actuelle maire de Barcelone. De fait la comparaison ne peut se faire qu’avec les résultats d’ICV en 2012, soit près de 10% et 13 députés.
Le « ticket gagnant » des municipales n’a pas fonctionné cette fois puisque la liste unitaire, si elle retrouve un nombre de voix similaire à celui de 2012, perd un point et 2 députés. Cela crée un désarroi dans les rangs de PODEM dont les militants se voyaient voler de victoire en victoire jusqu’à la conquête électorale du pouvoir.
On ne peut se satisfaire des explications proposées par Pablo IGLESIAS qui estime que le programme social de PODEMOS a été inaudible dans un scrutin polarisé par la question de l’indépendance. Il est probable que les interventions directes de Pablo IGLESIAS dans la campagne électorale, ressenties comme étant pour le moins paternalistes et donneuses de leçons, n’aient pas séduit l’électorat catalan. Même si PODEMOS défend à juste titre qu’il ne faut pas accorder davantage de confiance à MAS qu’à RAJOY, ce qui a été retenu c’est que la liste CQSP devait se classer parmi les formations hostiles à l’indépendance ; c’est en tout cas ainsi que la presse et les partis « unionistes » ont interprété ses résultats. Assez logiquement puisque cette position est celle du PSUC et d’ICV, le parti communiste étant par ailleurs marqué par son soutien à la « transition » opérée sous l’égide de la monarchie « Borbonicà », comme on dit en Catalogne où le rôle des Bourbons dans l’histoire nationale n’est guère apprécié.

L’extrême gauche catalaniste, la CUP (Candidature d’Unité Populaire) se proclame anticapitaliste, écologiste et féministe ; elle revendique une république socialiste catalane et ses militant(e)s sont bien présents dans les luttes sociales et écologistes. Elle est, avec Ciutadans, la gagnante de ces élections. Confirmant et amplifiant son bon résultat des municipales, la CUP passe de 3,5% à 8,5%, de 3 députés à 10. Le programme de la CUP est assez proche de celui du NPA, ce qui devrait nous conduire à établir des relations avec ces camarades, avec bien sûr une forte dimension catalaniste. Cette dernière ne pose pas de problème en soi, ou mériterait un débat assez complexe et dépassant les limites de cette contribution. Cela peut en devenir un si l’indépendance de la Catalogne, même avec un gouvernement bourgeois, est présentée comme une étape indispensable dans un processus révolutionnaire. De fait au lendemain des élections les dirigeants de Junt per el Sì ont sommé la CUP de « choisir son camp » en apportant les voix nécessaires à la réélection d’Artur MAS à la tête de la Generalitat. Un appel à ce jour rejeté mais qui s’appuie sur l’ambiguïté des prises de positions d’une partie des fondateurs de la CUP qui semblent admettre que des alliances interclassistes seraient admissibles sur le terrain de la « lutte pour l’émancipation nationale ».

Les diverses organisations de la gauche anticapitaliste et révolutionnaire n’ont pas fait le même choix dans ces élections. Anticapitalistas (Revolta Global en Catalogne) a mené la campagne de CSQP, en cohérence avec son appartenance à PODEM et à son investissement dans les listes unitaires aux municipales ; 5 de ses militant(e)s y avaient été élus dans la province de Barcelone, mais aucun dans la capitale. D’autres comme Lucha Internacionalista, petit groupe à l’échelle de l’Etat espagnol mais bien représenté en Catalogne, ont fait campagne avec la CUP. C’était déjà le cas aux municipales, ce qui leur avait valu également quelques élu(e)s, dont un à Girona.

Gérard FLORENSON

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Mis à jour le samedi 13 avril 2024