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Ford Blanquefort : on fait quoi maintenant ?

Crédit Photo : Photothèque Rouge/JMB.

Ascoval, Fonderies du Poitou, ACC, Bultex, PSA, Bic, Arjowingins … la liste des fermetures d’usines en cours est très longue. L’État a tous les dossiers en main, mais un à un, les échecs se succèdent, les sauvetages un temps espérés finissent systématiquement par s’annuler. Ce n’est pas faute d’essayer comme on pourrait dire, donc on ne parlera pas d’inaction mais bien d’impuissance chronique des pouvoirs publics.

Une impuissance qui devient un problème plus grave à partir du moment où l’État ne cherche pas à se doter de moyens légaux pour agir efficacement. Et c’est ce qui se passe. Car il ne suffit pas de s’indigner. Ça, le ministre de l’Économie et d’autres le font très bien. Le problème est bien de passer à l’acte, donc de faire des choix politiques, d’oser prendre des mesures « originales » et… radicales, dans le sens où cela suppose évidemment de se confronter réellement aux multinationales.

S’en prendre au pouvoir des capitalistes

La posture de l’État, des collectivités territoriales, des élus plus ou moins locaux, n’est pas tenable en réalité. Derrière les grandes phrases comme « l’État n’a pas vocation à prendre les usines et à produire lui-même », derrière les « Ce n’est pas réaliste » ou « Ce n’est pas constitutionnel », on voit bien ce pouvoir qui se cache derrière, soit son incapacité à agir vraiment, soit son refus de s’en prendre au pouvoir des entreprises donc au pouvoir des capitalistes.

Si aujourd’hui il n’y a pas les moyens légaux d’agir, ce qui est le cas après tant d’année de politiques ultralibérales qui se sont traduites par toujours plus de pouvoir et de marges de manœuvres pour le patronat, qu’est-ce qui empêcherait de faire le chemin inverse ? En quoi serait-il impossible de se doter d’outils législatifs, de voter des lois, même en urgence, contre les casseurs d’emplois, contre les entreprises qui ne respecte pas, délibérément, la collectivité ?

Pourquoi il n’y aurait pas obligation pour Ford de rendre les aides publiques de dizaines de millions d’euros perçus indument ? Pourquoi ne serait-il pas possible de bloquer un PSE d’une multinationale qui refuse ouvertement laisser son usine à un repreneur potentiel ? En quoi est-ce normal ou acceptable qu’une entreprise puisse mentir, ne pas respecter ses engagements, se moquer des salariéEs et des pouvoirs publics aussi impunément ?

Mettre en place des activités utiles socialement

Donc oui, le problème est posé pour les pouvoirs publics d’intervenir, de prendre le contrôle des outils de production, de prendre le contrôle le parc machine et ainsi de préserver un site, un collectif de travail avec des savoirs-faire. Et dans la foulée, cela pose le problème de l’élaboration, par l’État et les collectivités territoriales, d’une politique industrielle pour réimplanter une activité rapidement. N’y a-t-il pas d’idées, de possibilités de mettre en place des activités utiles socialement et qui préserveraient l’environnement ?

Pourquoi faudrait-il subir tout le temps ce prétendu réalisme, cette fatalité, celle de toujours accepter les mauvais coups, les licenciements, les liquidations d’entreprises ?

Alors c’est vrai, dans notre cas, nous nous sentons si fragiles, si petits, pris dans un rapport de force si défavorable, que nous n’osons pas forcément mener cette bataille. Déjà, depuis l’annonce du désengagement de Ford en février 2018 et de la fermeture en juin dernier, nous avons mené une bataille qui paraissait perdue d’avance. Résultat, un an après, nous sommes en train de perdre. Et du coup, l’idée que cela ne sert à rien de résister gagne du terrain.

Sauf que même sans trop d’espoir, même lucides sur nos moyens, sur notre capacité à mettre la pression sur les pouvoirs publics, il peut être encore utile de résister, d’exiger de l’État qu’il agisse, qu’il trouve des solutions. C’est à nous de poser les problèmes, d’essayer de pousser dans le sens de nos intérêts, d’essayer de bousculer les choses.

Pour une initiative nationale contre les fermetures d’usines

Le problème est que si nous n’arrivons pas à sauver un bout d’usine et le plus d’emplois possible, y compris les emplois induits dans la région, ce qui nous attend est dramatique. Nous ne voulons pas des galères du chômage et de la précarité, les conséquences d’une fermeture d’usine sont trop graves pour abandonner la bataille. Or, cette lutte, nous devons aussi essayer de la mener avec la population, avec tout le monde autour, avec également les salariéEs victimes de fermetures dans d’autres usines.

Pour changer le rapport de forces, il manque aujourd’hui une initiative nationale contre les fermetures d’usines, contre les plans de licenciements, une tentative de coordonner, de créer des liens de solidarité et de résistances collectives. Que ce soit du côté des confédérations syndicales ou des partis politiques et associations. Il y a comme une résignation généralisée, alors qu’il y a toutes les raisons de chercher à construire la riposte maintenant. Et il y a aussi sûrement les moyens de réussir des actions larges qui pourraient redonner le moral un peu partout, plutôt que de perdre chacun dans son coin.

En attendant, à Bordeaux, nous organisons le samedi 2 mars un concert de solidarité contre la fermeture de l’usine, avec des artistes, avec l’aide d’acteurEs culturels, pour faire entendre notre colère, notre refus de baisser les bras, avec l’idée que tout n’est pas fichu.

Le constat n’est pas nouveau mais il est terrible à voir en direct. Ford, comme d’autres multinationales ou groupes, peut fermer une usine, licencier des centaines de salariéEs sans quasiment aucune contrainte. Les services de l’État le reconnaissent : il n’existe pas dans la législation de moyens pour contraindre ou empêcher. Cela doit changer.

Philippe Poutou

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Mis à jour le vendredi 1er novembre 2024